Le terme « gamification » ne vous dit peut-être rien, pourtant ce n’est pas nouveau et sans le savoir, vous utilisez surement déjà des services dits « gamifiés ».
L’objectif de la gamification c’est d’appliquer les mécanismes du jeu dans des applications et des sites de façon à les rendre plus ludiques. Les mécanismes du jeu qui peuvent être repris sont variés : les récompenses, les points d’expériences (ou XP), les quêtes, les statuts ou les badges que l’on peut acquérir au fur et à mesure. Certaines interfaces font même intervenir de la compétition entre les joueurs ou le partage de résultats pour enrichir encore plus l’expérience.
L’idée est d’améliorer l’adoption d’un produit et d’en favoriser une utilisation régulière. Ce sont ces procédés qu’ont par exemple intégré tous les services en ligne ou en magasin qui vous proposent des récompenses spéciales une fois un certain nombre de points de fidélité cumulés. C’est le cas par exemple du cumul de miles dans les compagnies aériennes, un des premiers domaines à avoir apporter des principes de jeu dans la vie quotidienne. Maintenant, les services qui ont intégré la gamification sont nombreux et variés. En voici quelques exemples, vous en reconnaîtrez surement certains :
Ici le site de covoiturage Blablacar® récompense ses utilisateurs en leur attribuant des niveaux d’expérience. L’utilisateur est également valorisé puisqu’il devient confirmé, puis expert et enfin ambassadeur.
Ici l’application d’apprentissage de langue Duolingo® offre un bel exemple d’utilisation de plusieurs mécanismes du jeu. Les utilisateurs reçoivent plusieurs récompenses comme des badges, des gemmes, des couronnes, des XP au fur et à mesure de leur réussite dans les exercices. La compétition entre joueurs intervient également lorsque des amis sont ajoutés avec lesquels il est possible de comparer le nombre d’XP.
Mais dans tout ces exemples, l’objectif à terme est marketing. La société désire fidéliser une clientèle en optimisant son expérience utilisateur. Toutefois, ces mécanismes sont également transposables dans de nombreux autres domaines, et évidement celui qui nous intéresse le plus chez UseConcept, c’est celui de la santé.
Dans le domaine de la santé : d’autres enjeux
En apportant ces mécanismes dans des innovations du domaine de la santé les enjeux sont tout autre. On ne cherche pas à fidéliser un client, mais à répondre à une problématique de santé en améliorant l’engagement des patients et accompagnants. L’objectif est plutôt d’inciter les utilisateurs à prendre soin de leur santé pour les patients et à aider les professionnels de santé à prendre soin de celle des autres.
Dans certaines pathologies, le manque de régularité dans la prise des traitements par les patients, (soit parce qu’ils oublient, soit parce que le traitement est contraignant pour eux) est un facteur d’échec dans les thérapeutiques. Les traitements sont parfois arrêtés tellement leurs effets indésirables sont importants. Quand il n’est pas possible de rendre le traitement en soit moins contraignant, on peut tout de même améliorer son suivi et rendre l’expérience plus agréable. Cela en proposant à ces patients, des services gamifiés d’aide au suivi de pathologie (applications, objets connectés, plateformes, etc.) qui leur sont en premier lieu utiles, mais aussi plaisants à utiliser, on va encourager les patients à utiliser le service et donc à suivre leur traitement avec leur professionnel de santé.
La plateforme de santé collaborative HEROIC santé offre de nombreux services aux patients et à leurs aidants naturels. Ils peuvent ainsi participer à des laboratoires d’idées, analyser les zones de ruptures dans leur parcours de santé ou identifier des associations de patients concernant leurs pathologies. Au fil de son utilisation du site, l’utilisateur gagne des badges et des H€uroics, une monnaie virtuelle qu’il peut utiliser pour soutenir financièrement des projets liés à la santé.
Les problématiques de santé auxquelles la gamification peut répondre sont nombreuses. En plus de faciliter le suivi d’un traitement, de nombreux domaines peuvent être concernés : favoriser la pratique d’une activité sportive, aider la pratique de mouvements de rééducation, appuyer une éducation thérapeutique, pousser à adopter une alimentation plus saine, soutenir l’arrêt du tabac, etc.
Autre exemple: l’application Novi-Chek développée par Roche Diabetes Care propose une application très gamifiée à destination des patientes diabétique de type 1 (de 13 à 25 ans) avec un graphisme très orienté jeux vidéo. Le personnage principal est Novi, un enfant diabétique que l’utilisateur va faire progresser dans le jeu en répondant à des quizz sur le diabète. Le patient peut également enregistrer des rappels de mesure de glycémie, enregistrer les doses d’insuline injectées et consulter des informations utiles sur le diabète. L’application, conçue avec des professionnels de santé, aide ainsi les enfants à s’intéresser de plus près à leur maladie à une période où ils être important pour eux d’acquérir les bons réflexes concernant leur traitement.
Pour quels utilisateurs ?
On observe un intérêt de la gamification pour des profils utilisateurs divers et variés. Le côté ludique est évidemment particulièrement intéressant pour maintenir l’intérêt des enfants. Les domaines de l’éducation pour les plus jeunes et de la formation professionnelle ont bien perçu le potentiel de la gamification. Le jeu comme outil d’apprentissage a fait ses preuves et pas uniquement pour les enfants, tout le monde mémorise mieux quand c’est plus agréable. En effet, les serious games sont devenus un nouveau moyen de formation pour les professionnels de santé. Infirmières, médecins, cardiologues, urgentistes, et bien d’autres disposent désormais d’outils leur permettant de se former et de parfaire leurs connaissances de manière ludique et sécurisée.
Les jeux vidéo ont également trouvé leur place dans plusieurs institutions de santé : centres de réadaptation et maisons de repos les utilisent pour inciter leurs résidents à pratiquer des exercices de kinésithérapie ou des mouvements de rééducation. L’avantage ici est double puisque les patients réalisent d’une part leur rééducation et d’autre part s’échappent un moment en effaçant le côté rébarbatif des exercices.
La gamification, toujours bénéfique ?
Plusieurs études sont venues confirmer les avantages de la gamification dans le cadre de soins, toutefois une étude menée par Thomas LECLERCQ en 2017* a démontré qu’elle ne bénéficie pas de la même façon à tous les patients. Les auteurs ont mené des entretiens et observations dans des hôpitaux et centres de rééducation auprès de professionnels de santé et de patients. Ils émettent un point d’attention vis-à-vis des patients atteints de maladies dégénératives dont les performances cognitives tendent à décroitre. En perdant de plus en plus dans les jeux, ces patients risquent d’être découragés et confrontés à la diminution de leurs capacités.
L’étude a permis de constater un risque de découragement des patients lorsqu’ils n’arrivent pas à atteindre les défis mis en place dans la solution. Autrement dit, le niveau de difficulté des missions proposées doit être bien adapté aux utilisateurs et à leur niveau d’expertise. Cet effet est valable pour tous les utilisateurs et dans tous les domaines d’applications, pas uniquement en santé. Si les missions sont trop difficiles, le joueur risque d’abandonner, tandis que si elles sont trop faciles pour lui, il risque de s’en désintéresser et dans les deux cas, l’utilisateur ne bénéficiera plus des avantages de la solution.
Le niveau d’expertise des utilisateurs et les niveaux de difficultés des missions font partie des divers éléments à adapter lorsque l’on veut gamifier un service. Mais il y a beaucoup d’autres éléments à prendre en compte.
Pour conclure
Il est important de garder à l’esprit qu’intégrer des éléments de jeu dans une application ne suffit pas à garantir son utilisabilité et son appropriation par ses futurs utilisateurs. Pour cela, son ergonomie et sont expérience utilisateur doivent être particulièrement bien travaillées pour garantir un équilibre entre gamification, utilité et utilisabilité. Les caractéristiques des différents profils utilisateurs (leurs besoins, leurs contraintes, leurs attentes, leur niveau d’expertise, etc.) doivent être pris en compte. Pour que l’expérience utilisateur soit optimale, le produit doit déjà répondre à un besoin utilisateur, et être adapté à son environnement et ses contraintes. Mettre ensuite en place des éléments de gamification va permettre de rendre l’expérience utilisateur unique.
Thomas LECLERCQ “The engagement mechanisms in the value co-creation process : The case of gamification”, Université Catholique de Louvain, dir.: Poncin et Hammedi.
“The use of gamification mechanics to increase employee and user engagement in participative healthcare services: A study of two cases” Wafa Hammedi (University of Namur- Belgium) Thomas Leclerq (Louvain School of Management- Belgium) Allard Van riel (Nijmegen university- Netherlands)